Stéphane Philippe ou la saga d’un trufficulteur vosgien à Harmonville
Stéphane Philippe est son fidèle compagnon Fabia… à l’odorat hors-pair.
©Bertrand Munier
Passion et trufficulture sont indissociables. À l’Ouest du département des Vosges dans le petit village d’Harmonville, Stéphane Philippe en a fait sa maxime pour toucher du doigt son rêve et devenir l’un des plus émérites caveurs vosgiens et de la région du Grand-Est. Rencontre avec un épicurien de son terroir qui entend démocratiser ce mystérieux champignon dont la récolte est un art à part entière.
Le « Diamant Noir » a désormais droit de cité dans les Vosges grâce à Stéphane Philippe.
©Bertrand Munier
Point d’apprentissage pour devenir caveur. Seulement de la passion, de la patience et de disposer évidemment d’une zone truffière. Suivant ces éléments ternaires, Stéphane Philippe a démontré tout son savoir-faire en matière de trufficulture depuis l’année 2009, au cours de laquelle il s’est lancé un audacieux pari… récolter des truffes dans son terreau natal d’Harmonville.
Titulaire d’un BTS agricole, son parcours professionnel se confond avec celui de céréalier, tout d’abord en étant associé en Gaec (1995-2008) puis à titre personnel sur une exploitation d’environ 150 ha. Conjointement à ce travail titanesque, la curiosité et l’envie de percer le mystère de la truffe le taraudait continuellement. « Durant des années, avoue-t-il, cette idée de cultiver la patate noire comme la désignait ma grand-mère, me transperçait l’esprit. D’autant plus qu’en consultant les registres communaux locaux, je me suis rendu compte qu’un arrêté de 1909 préconisait la culture de la truffe pour les habitants du village. En outre, le sol argilo-calcaire des lieux s’y prêtait favorablement. » Après avoir tenté de dompter avec parcimonie la culture du safran, il renonça à l’Or Rouge pour s’immiscer dans les écheveaux de l’Or Noir. En péroraison, un mal pour un bien ! Avec célérité, il se rapprocha de l’Inra (institut national de la recherche agronomique) pour effectuer à plusieurs profondeurs une kyrielle de prélèvement de son sol. Fort de cette carte « génétique » répondant aux critères idoines pour cultiver la truffe, il s’engagea dans un travail de fourmi pour mener son dessein à bien… car mieux quiconque et même en étant néophyte en la matière, Stéphane Philippe savait combien le chemin serait long et sinueux pour voir naître chez lui ce précieux trésor.
Les truffières de Stéphane Philippe se composent de plusieurs essences d’arbres.
©Bertrand Munier
D’emblée, sa plantation nécessita un nettoyage complet du milieu avec la destruction de toutes plantes herbacées ou ligneuses. 4 200 plants de truffes, issus de trois pépinières différentes de l’Hexagone, seront ainsi introduits sur le sol d’Harmonville pour une surface totalisant environ aujourd’hui 4 ha 20 : bouleau, chêne, charme, noisetier, pin noir, tilleul…« C’est un travail de tous les instants, confie Stéphane Philippe. En outre, j’ai dû bêcher manuellement entre chaque plant. Chez moi, la mécanisation est proscrite. C’est une règle absolue. Je préfère m’inscrire dans la durée pour favoriser la qualité. » Au terme de cinq années de persévérance, tout en étant secondé par un saisonnier, cet amoureux de la nature pouvait enfin toucher du doigt ses précieuses Tuber mesentericum(dite truffe de Lorraine)et Tuber uncinatum (dite truffe de Bourgogne)… avant de partir à la conquête de la Tuber melanosporum (la plus noble et recherchée de toutes les truffes). L’un n’allant pas sans l’autre, Stéphane Philippe part chaque saison à la conquête de son Eldorado en période automnale, avec son fidèle compagnon Fabia… un chien Lagotto Romagnolo de race italienne. « C’est le chien truffier par excellence qui a un odorat hors-pair », admet le conseiller municipal d’Harmonville, élu au sein de l’équipe édilitaire de son père Claude (ancien vice-président du Conseil général des Vosges). Au-delà de ses exploitations, il est également la pierre angulaire de la création de l’association « Truffes 54 Lorraine » (regroupant 112 adhérents) et commissaire aux truffes, notamment au marché meurthe-et-mosellan de Pulnoy qui fait référence dans le Grand-Est.
Évidemment, Stéphane Philippe vend directement sa production auprès des professionnels (par exemples de la restauration ou de la charcuterie) ou simplement auprès du consommateur lambda. Quant aux prix, il varie selon les saisons mais il faut débourser entre 400 et 500 euros (le kilo) pour obtenir ce petit bijou. Sans flagornerie, la qualité des truffes d’Harmonville est à ce prix pour aiguiser les tables, les sens et la curiosité.
Soupe à l’oignon aux lamelles de truffes de chez Stéphane Philippe… au restaurant
« Le Clos d’Heurtebise » à Remiremont (Vosges).
©Bertrand Munier
Stéphane Philippe
Trufficulteur
12 rue de la Pompe
88300 Harmonville
Tél : 06 83 33 74 93
Mél : stephanephilippe0833@orange.fr